Fò an Fanmi fête ses dix ans d’existence. Une décennie de célébration
de la mémoire et d’histoire partagée en lien avec l’épopée de Delgrès.
Entretien avec Brigitte Rodes, présidente de la Commission Développement
culturel et gestion du patrimoine au Conseil départemental.

Fò an Fanmi célèbre ses dix ans d’existence cette année…
C’est formidable ! Fò an Fanmi, c’est la valorisation de notre histoire. Cette manifestation fait partie de l’identité même du Conseil départemental qui dès le Conseil général avait décidé de marquer sa reconnaissance à ceux qui ont résisté contre le retour en esclavage des guadeloupéens qui, je le rappelle, ont été libres de 1794 à 1802. Fò an Fanmi, c’est la célébration de nos héros : Delgrès, Ignace, Solitude… Tous ces guadeloupéens épris de liberté nous ont laissé l’empreinte de leur corps en se faisant immoler ou sauter au Matouba le 28 mai. Fò an Fanmi, c’est la philosophie d’acte de mémoire et de marqueur d’avenir.

L’histoire et la mémoire mais aussi le culturel, l’artistique et le sportif…
Fò an Fanmi est aujourd’hui un événement incontournable dans l’agenda culturel de la Guadeloupe. Les 25, 26 et 27 mai nous associons les forts Fleur d’Epée et Delgrès à des rencontres entre les artistes et le public scolaire. Le tout est toujours agrémenté par une conférence ou un mini-séminaire sur un des arts qui est mis à l’honneur, cette année c’est la musique. Depuis la première édition, nous tenons à ce qu’il y ait un lyannaj entre les artistes invités et nos artistes guadeloupéens. Ce lyannaj inédit et puissant se fera entre l’orchestre de Claude Kiavué et l’apport de « The Black Legends Show » sur les traces de l’Amérique noire profonde jusqu’au couple Obama. C’est pour nous une façon de démontrer que l’art n’a pas de frontières. Nous voulons montrer au public guadeloupéen et aux amoureux de Fò an Fanmi que nous avons quelque chose de beau et d’immense à partager. En 2018 avec CirkAfrika nous avons enregistré des records de fréquentation. Au niveau sportif ce sera la contribution annuelle de la Gauloise de Basse-Terre qui, lors d’une marche, nous fera connaître les fondamentaux de notre histoire. L’accent sera mis sur le quartier du bas du bourg à Basse-Terre jusqu’aux contreforts du Fort Delgrès.

Le Conseil départemental lance un concours restreint relatif à la conception, à la réalisation et à la pose d’une œuvre d’art contemporain au Fort Delgrès. Où en est ce projet ?
L’année 2019 est un tournant pour le Fort Delgrès. Sur la base d’un concours ouvert aux architectes et plasticiens, la Présidente du Conseil départemental veut passer commande d’une œuvre majeure de portée universelle évoquant les combats menés sur tous les continents au nom de l’émancipation des peuples. L’œuvre devra incarner des valeurs humanistes en résonnance avec l’histoire de la Guadeloupe et singulièrement du fort Delgrès, lieu de son implantation. Le projet consiste à illuminer le Fort Delgrès par la personnalité même de Delgrès et de tous ses compagnons. Nous avons le soutien de l’Etat et notamment du ministère de la Culture qui a trouvé pertinent ce projet. Nous avons des géants en Guadeloupe, nous les considérons comme guadeloupéens, parce que nous sommes non seulement terre d’accueil et terre d’asile mais aussi terre d’humanité. Delgrès n’était pas guadeloupéen, mais nous nous le sommes appropriés parce qu’il nous a valorisés, c’est donc tout naturellement que nous avons fait de Delgrès un des nôtres, un frère en humanité constructeur de notre liberté. C’est cela la Guadeloupe.