Et si l’on ne parlait pas cinéma ? Et si l’on regardait sous les paupières de l’homme, les images qui l’ont fait, les visages qui l’ont ému. La tentation est grande, alors nous y cédons.
La culture est libre, ouverte, le débat est grand, trop grand. Et parce qu’il nous dit qu’il y a encore mille débats à avoir, nous commencerons par le premier. Les débats des débuts, les débuts des premiers émois d’une banlieue qui l’a modelé, pétris, enfanté jusqu’à l’âge des premières idylles. Une banlieue sonore mais inaudible, qui célèbre le tout, dans sa diversité, dans ses friches et ses amours vedettes.

Ce sont les années 1970, où la communauté afro-caribéenne est fédérée, où les rébellions résonnent dans les cinémas de Pasolini et Visconti. Puis, les années 1980 où la victoire de la Gauche voit malgré tout, gangréner dans la périphérie des villes, un mal conscient, le fléau raciste. Et là, sans que l’on s’y attende, le Hip-Hop naît. Des airs du Bronx ravivent le cœur meurtri d’une France peu entendue. Les pulsations reprennent et l’Acid jazz, le Rap, le Smurf puis le Break Dance cicatrisent les esprits.

Toute une génération accède à un destin alternatif. Jean-Claude Barny parle alors d’un « nouveau discours » : le sien, et celui des échos de la lutte afro-américaine, des descendances caribéennes inassouvies, des affamés d’une génération qui veulent enfin, leur part. Alors dans un antre adolescent, loin de l’école et d’un sérieux dont il n’a que faire, il écoute, réécoute des morceaux d’Ice MC. Nous sommes en 1989 et rien n’est « easy ». Mais heureusement, il y a la révolution Kassav qui gronde et qui pense en secret, ce que des milliers d’autres n’arrivent pas à deviner. Le métissage, le foisonnement, l’antillanité nouvelle : celle qui se dit, celle qui s’écoute, celle qui transforme. Coco Lafleur est revu des années après ; La Haine, Night Society, les clips s’enchainent et le cinéma renait de l’impondérable. « C’était un cinéma de vérité » nous dit-il.

Un cinéma de l’urgence. Faisant de l’art urbain son modèle, pour photocopier l’endroit d’où nous venions, nous. Josua et Silex s’ennuient dans sa tête alors il les met en scène des années plus tard, sur grand écran après deux ans de casting pour Nèg Maron. Nous sommes en 2005, et il continue, en raisonnant sur « deux îles »- la Guadeloupe et Trinité-et-Tobago – une mélodie qui avoisine les paroles de Nino Ferrer sur des airs animés du compas d’Hervé Vilar. Nous avions une revanche à prendre, j’ai pris la mienne » nous dit-il.

Le réalisateur du Gang des Antillais, décontracté est pensif. Il nous raconte Frantz Fanon, l’auteur qui lui a donné le goût de l’être. Sur des projets immenses, la discussion pourrait durer encore des heures à l’hôtel Arawak. Peut-être son portrait, qui sait ? « L’explosion n’aura pas lieu aujourd’hui. Il est trop tôt… ou trop tard. » Frantz FANON – 1952.
