Je cherche Ogidigbonyingboyin, masque du Bénin
Il est à Londres, répond la
lune
Je cherche Dinkowawa, trône d’Ashanti
Il est à Paris, répond la lune
Je cherche Togongorewa, buste du Zimbabwe
Il est à New York, répond la
lune
Je cherche la mémoire de l’Afrique
Les saisons disent qu’elle
souffle dans le vent[1]

Ce texte est au cœur du sujet qui nous occupe : celui de l’inégale répartition du patrimoine africain dans le Monde, de sa belle présence dans les musées occidentaux, des failles de la mémoire que son absence occasionne en Afrique et de la responsabilité de chacun pour l’équité soit rétablie[2].
Introduction du rapport « Restituer le patrimoine africain » sous-titré « vers une nouvelle éthique relationnelle », ce document a été élaboré par deux chercheurs, l’historienne française Bénédicte Savoy et l’économiste sénégalais Felwine Sarr sur commande d’Emmanuel Macron faisant suite au discours prononcé par le président de la République française le 28 novembre 2017 à Ouagadougou, au Burkina.
Le constat est sans appel : près de 80% des œuvres du patrimoine africain ont quitté le continent africain dans un contexte de spoliation et d’appropriation violente, pillages, vols ou encore achats injustement rétribués.
Les auteurs du rapport rappellent que nombre d’œuvres pillées à l’occasion de guerres coloniales portent une puissante charge spirituelle et sont considérées comme sacrées à l’instar des regalias, statues et symboles qui ont été saisies dans les ruines du palais d’Abomey du roi Béhanzin par les troupes coloniales françaises en 1892.
Masque Ashanti Masque du Zimbabwe
« Ce qui nous intéresse, c’est de pouvoir présenter ce patrimoine qui est le nôtre, a expliqué le président du Bénin, Patrice Talon. Nous le faisons pour faire du tourisme un pilier majeur de l’économie béninoise. »
Un grand programme touristique du Bénin s’appuie sur la culture et le patrimoine comme pôle majeur de développement économique. Et c’est l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme qui est en a la charge et son directeur, José Pliya, pilote trois chantiers muséaux majeurs[3] : le « Musée de l’épopée des amazones et des rois du Dahomey », qui ouvrira d’ici deux ans, devrait accueillir les 26 pièces que la France s’apprête à restituer, le Musée des arts et civilisations vaudous/orishas de Porto-Novo et le Musée Esclavage, résistance et mémoire Toussaint Louverture d’Allada.
Les 6 et 7 décembre 2018 s’est tenu un cycle de journées d’études à Cotonou à l’Université Abomey-Calavi et à Ouidah, en plein cœur de la cité historique, sous la houlette de l’Institut Français du Bénin en écho au programme d’échanges artistiques et scientifiques « Dialogues transatlantiques : Caraïbe-Afrique » conçu et coordonné par l’agence caribéenne d’ingénierie culturelle Amazone Caraïbe.
Ces journées d’études embrassaient pour thème « Quels musées pour la mémoire et l’histoire ? » ; « Patrimoines et Tourisme : du musée au territoire » associant universitaires et chercheurs, associations de promotion du patrimoine, institutions, nationales et collectivités locales afin d’interroger les dynamiques d’exposition, de mise en musées de la mémoire de la Traite négrière, de l’histoire de l’esclavage colonial et de leur transmission sur les trois versants de l’Atlantique : Europe – Afrique – Caraïbe, la Guadeloupe et la Martinique étant représentées par Jacques Martial et Thierry Letang du Memorial ACTe, Georges Brédent président de la Commission Culture de la Région Guadeloupe, Christiane Emmanuel, artiste et présidente de la Commission Culture de la Collectivité Territoriale Martinique afin que puissent être dessinés les contours d’une coopération culturelle et d’un tourisme mémoriel Caraïbe – Afrique de l’Ouest.
Résolument, les arts et le patrimoine constituent un levier de développement stratégique et durable pour les pays et territoires s’inscrivant dans une dynamique ambitieuse et généreuse de réappropriation de l’Histoire et de la Mémoire, de part et d’autre de l’Océan Atlantique, matrice originelle des cultures et civilisations afro-descendantes.
Coline-Lee Toumson-Venite
Amazone Caraïbe – Agence caribéenne d’Ingénierie culturelle

[1] Poème de Niyi Osundare, Horses of Memory, Ibadan, Heinemann, 1998
[2] Felwine Sarr, Benedicte Savoy Restituer le patrimoine africain, ed. Philippe Rey Le Seuil, Paris, 2018
[3] https://lanouvelletribune.info/2018/03/construction-nouveaux-musees-au-benin-lune-des-solutions-concretes-pour-le-tourisme/