James Germain, balade Port-au-Princienne

Il y avait un incendie ce jour-là. Dans le ciel. Une chaleur suffocante à Port-au-Prince. Le chauffeur slalome entre les piétons, les taxis-motos, et les tap tap colorés. La ville grouille, les habitants sont des fourmis, le paysage défile. Il y a de l’art partout même sur les arbres. Même à la place des arbres. La peinture naïve pousse sur les trottoirs comme des herbes sauvages, des capes (des cerfs-volants typiquement haïtiens) éclosent sur les murs qui longent les routes, et les sculptures de Bosmétal font de la ville turbulente un charmant musée à ciel ouvert. C’est dans ce joyeux capharnaüm de couleurs, de marchands ambulants et de poussière que le chanteur James Germain, natif de Port-au-Prince, évoque son enfance, la musique et Haïti. Premier arrêt : l’école du Sacré-Cœur. 

L’école du Sacré-Cœur, les souvenirs de l’enfance

« J’y ai fait mon primaire, c’est la première fois que j’y retourne depuis quarante ans, c’est beaucoup d’émotion pour moi de revoir mon école. Tous les souvenirs de l’enfance me reviennent, je me revois assis au premier rang avec mon uniforme à carreaux rouge et blanc. J’étais assez bon élève mais un peu farceur, j’apprenais le début et la fin de mes leçons et au milieu, j’inventais des histoires. J’étais le seul albinos de l’école, on m’appelait le blanc. C’est dans cette école que j’ai chanté pour la première fois, c’était une chanson de Jeane Manson : Avant de nous dire adieu. A l’époque on était branchés musique française. L’école c’était ma première scène, et mes camarades de classe, mon premier public. Dans la cour lors des récréations, je mangeais des Rapadou qui sont des confiseries à base de miel, je les achetais à la Grand-Rue sur le chemin de l’école. »

Lakou Bovwa, le symbole de la culture afro-caribéenne

« Ce centre culturel est le symbole de ma culture afro-caribéenne. Quand je viens ici je puise de l’énergie, je renforce ma spiritualité. Ma connaissance de l’arrivée de nos ancêtres en Haïti s’est faite à Lakou Bovwa. Le fondateur de ce lieu, Max Beauvoir, était un ami et à chacune de mes visites il m’offrait un livre pour approfondir mon savoir sur nos traditions. Il animait des séminaires sur le vodou. C’est vrai qu’il y a la misère en Haïti mais au-delà de cette misère, il y a une richesse culturelle que le monde ne doit pas nier. »

La musique, un chant pour Haïti

« J’ai été nourri par les chants traditionnels et les chansons de contes. Les traditions sont avec moi et en moi. Aller à l’église le dimanche était une obligation familiale, j’écoutais les chants de l’église catholique, le soir de la maison de mes parents j’entendais les chants et les cymbales des Protestants, et dans la nuit quand tout était calme c’étaient les tambours du vodou. Ces trois influences se retrouvent dans ma musique qui n’est que la transmission de mon héritage afro-caribéen. Je chante l’espoir, je chante Haïti. Je chante en créole haïtien mais j’ai interprété cette année une chanson de Mike Clinton en créole guadeloupéen, ce qui prouve que je suis pleinement caribéen. La musique c’est ma passion, ma force, ma thérapie, elle me relève. Je suis né albinos, la musique m’a aidé à m’épanouir. »

La caraïbe, ma maison

« Haïti est un pays extraordinaire mais, dans un sens, ma maison c’est plus la Caraïbe qu’Haïti. Je suis un citoyen de la Caraïbe. La musique m’emmène partout comme au Mali où j’ai vécu trois ans. Quand je suis en dehors d’Haïti, quand finalement je deviens un immigré, j’apporte aussi des choses là où je suis, j’apporte des messages, j’apporte ma connaissance. »

Atis Rezistans ou l’âme haïtienne

« Atis Rezistans est un collectif de sculpteurs qui m’inspire. Leurs œuvres sont exposées au musée Epluribus Unum à Port-au-Prince. L’âme haïtienne réside dans chacune de ces œuvres. Je vois l’histoire quotidienne d’Haïti dans ce travail artistique, on est dans la réalité de la société haïtienne. Haïti ce n’est pas que ce qui est montré à la télévision, Haïti c’est quelque chose de plus profond et d’authentique, ce pays c’est surtout une âme. Mon Haïti est dans ces œuvres-là. »

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