Kenza Andrèze-Louison, Miss Guadeloupe 2020 a fait une promesse : celle de ne pas « décevoir » les Guadeloupéens lors de l’élection de Miss France qui se déroulera le 19 décembre en Vendée. Rencontre avec une jeune femme déterminée. – Texte Willy Gassion
Il faut attendre qu’elle soit assise pour la regarder dans les yeux. Kenza est grande, ses jambes interminables. Et comme si cela ne suffisait pas, la prétendante au titre de Miss France 2021 est juchée sur des talons.
Elle semble ainsi inaccessible, tout près du soleil, là où est sa place. Et c’est à elle, et à elle seule que nous devons, ce jour-là, l’ensoleillement. Quoi de plus normal pour cette étudiante en 2ème année de licence SVT parcours Géo science passionnée d’astronomie.
« J’ai un profil plus ou moins atypique si l’on s’en tient aux centres d’intérêt, je m’intéresse aux mythologies et à l’astronomie, mais j’ai aussi voulu être vétérinaire ou chanteuse. » Devant ce qu’elle croit être notre étonnement, la jeune femme de 20 ans interroge : « y a-t-il vraiment un fossé entre le chant et l’astronomie ? »

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« Le jour J, il y aura probablement un peu de stress »
On l’imagine donc avoir quitté les paysages du ciel, descendue sur terre juste pour nous rassurer. Diffuser sa grâce céleste puis disparaître sur la pointe de ses escarpins noirs. « Je vais très bien, je me consacre à la préparation de Miss France, j’y pense tous les jours, à chaque heure.
Je ne suis pas angoissée même si l’élection aura forcément un impact sur ma vie que je gagne ou pas. Il s’agit d’une aventure unique, exceptionnelle. Le jour J, il y aura probablement un peu de stress mais je n’oublie pas que je suis aussi là pour vivre un bon et beau moment, et c’est peut-être cela l’essentiel. »
« Je ne vous décevrai pas »
« Le jour J », c’est le 19 décembre au Puy du Fou, c’est un peu son Noël à elle, le cadeau qu’elle compte s’offrir. C’est aussi un peu le nôtre, celui de la Guadeloupe. La Belle n’a-t-elle pas déclaré à l’annonce de son élection à Miss Guadeloupe : « je ne vous décevrai pas ».
On aurait voulu lui dire qu’elle nous a déjà gâtés, que nous sommes déjà heureux que ce soit elle notre Reine de beauté. Mais la successeuse de Clémence Botino en veut plus pour elle et pour son île.
« Je me donne les moyens pour que ça passe. Quand on se présente à Miss Guadeloupe, on fait une promesse aux Guadeloupéens et on a le devoir de faire plus et mieux. Je suis déterminée, ça passe ou ça passe, à quoi bon faire si on ne se donne pas à fond. »

Pas qu’une belle plante
A l’entendre, l’élection de Miss France serait presque un prétexte pour promouvoir ce qui pour elle est essentiel. Le Puy du Fou, une tribune idéale pour dire. Refuser de n’être qu’une belle plante, sa voix qu’elle veut utile :
« Je veux contribuer à la réduction des inégalités dans l’éducation. Dans mon cas, pour le master en astronomie, il faut partir en Europe ou aux USA, et pour cela il faut des fonds et si on ne les a pas, l’avenir professionnel peut être ralenti ou bloqué.
L’absence de moyens financiers est une des inégalités qui peut obstruer un parcours universitaire, venir d’un milieu social défavorisé peut être un frein selon le métier qu’on veut exercer.
Je viens de Fond Richer, un quartier populaire de Baie-Mahault et d’où je viens il faut s’accrocher à ses rêves, il faut être plus volontaire que d’autres pour y arriver, mais on peut le faire. You can do it ; voilà ce que je souhaite dire. »
Ce ne sont pas que des mots ou les vœux pieux et prévisibles d’une Miss nouvellement élue. Aux mots qu’on pourrait croire incantatoires, Kenza joint les actes.
« Je fais partie de l’association A Pwézan dont le but est de réfléchir ensemble à nos problématiques d’ultramarins. Cette année malgré la crise sanitaire, nous avons lancé le projet Mon livre mon histoire. A six jeunes ultramarins nous avons offert des livres sur la culture de leur région.
On les accompagne pour les aider à réaliser leurs projets professionnels. On est dans le concret, un monde sans inégalité serait probablement utopique mais on peut au moins essayer d’améliorer les choses, et c’est ce que nous faisons au sein de l’association. »
Les larmes de Kenza
Sa voix puis ses larmes, ses larmes qu’on n’attendait pas, ses larmes qui la surprennent. Ses larmes comme la pluie d’ici : brusque, intempestive et finalement réconfortante. « Je ne sais pas pourquoi je pleure parce que je ne suis pas triste. »
Un joli moment qu’elle nous offre là malgré elle. C’est toute son humanité qui jaillit devant nos yeux. Sandra Bisson la rassure, un mouchoir sur ses joues. Que charrie ce torrent délicat ?
« Lorsque j’étais candidate, je suis allée acheter un bokit, j’ai rencontré un jeune d’un quartier populaire comme le mien, je sortais d’une répétition de chorégraphie, il me demande ; pourquoi portes-tu des talons pour aller acheter un bokit ? je lui dis que je suis en répétition pour l’élection de Miss Guadeloupe.
Et là, il me dit si tu es élue, tu ne nous regarderas même plus, ça m’a touchée parce que… (Sa voix s’étrangle submergée par l’émotion) … je suis là pour représenter ces personnes que parfois on ne regarde pas et qui ont besoin de savoir qu’elles peuvent faire de belles et grandes choses. »

« Je suis Miss Guadeloupe et ce n’est pas rien »
« Je voudrais être un espoir pour ces personnes qui viennent de quartiers comme le mien. Je suis très contente de ce que j’ai déjà accompli : je suis Miss Guadeloupe et ce n’est pas rien.
Je croise le regard des petites filles à Fond Richer où je vis encore, mon élection n’a pas fait de moi une princesse qui vit dans un château, je n’oublie pas d’où je viens, ces petites filles ne doivent pas se contenter de peu à cause de leur milieu social. »
Sa voix encore, le rossignol qu’elle a au fond de la gorge. Kenza chante, un air lyrique, et fait de nous ses spectateurs privilégiés. Elle s’en va, comme elle est venue, à la fois immense et discrète. Sur la pointe des pieds.
IG @missguadeloupeofficiel @kenzaandrezelouisononoff