Refaisons l’exercice. Là, maintenant. Là, comme ça. Refaisons l’exercice car il ne tient qu’à nous d’identifier les belles lettres et les grands talents de cette diaspora. Cette horde de noms peu connus, qui flâne dans les galeries, dans les théâtres et qui décroche des étoiles par-ci, par-là. Ils sont parmi la foule de drôles de figurines et portent en eux les contours de notre Caraïbe. Ils et elle scandent leur joie de vivre et de créer en répétant à qui veut l’entendre “nous sommes là.” – Texte Coralie Custos Quatreville & Willy Gassion

Aimez ces airs 

“J’ai plié la langue française à mon vouloir-dire” disait le poète du même nom. Mais de quelle langue française parlent les artistes Djeuhdjoah & Lieutenant Nicholson ? Eux qui sans le dire, avec le plus beau des savoir-faire n’ont eu de cesse de métamorphoser le langage en quelque chose de solaire.

La première rencontre elle s’est faite pour nous sur France Inter. Entre plusieurs verres, sans doute dans un bar parisien, il y a parmi le bruit et les conversations interstellaires, ce groove, ce petit brin de poésie qui vient de la radio et qui émanent gentiment partout.

On se dit “je crois que ça vient de chez moi” et plusieurs mois plus tard, on se rencontre aux Pères Populaires. Et la réponse est oui. Djeuhdjoah & Lieutenant Nicholson, ils sont grands, ils aiment la musique. On les imagine facilement s’ambiancer sur des synthé futuristes, grattant la guitare de dix heures à minuit dans un studio un peu trop petit.

Avec eux, tout s’assemble. Des vers à l’Afrique, des rimes aux Antilles, ils sont la révélation sonore d’un monde qui se découvre.

Leur album est porté par Hot Casa Records. On dit oui. 

Facebook @DjeuhDjoah.Lieutenant.Nicholson

Danser les danses 

C’est en découvrant James Brown à la télévision que Bernard Lebeau est né. Comme exhumé de lui-même. « Mon corps était fait pour la danse, c’était en moi. » Dans les pas endiablés du parrain de la Soul, Bernard Lebeau a reconnu les siens jusqu’ici immobiles.

Danser ! danser pour exprimer ce qui déjà interpelle l’adolescent : la faible représentation des artistes noirs à la télévision. Alors la danse comme un acte politique qui ne dit pas encore son nom.

Danser et faire entrer la danse dans une famille où seules les études ont droit de cité. « Je suis le seul danseur de la famille. » La fac de langues pour rassurer les parents, mais la danse tenace, la danse qui colle au corps et aux pieds.

Danser encore, danser les danses : le moderne, le contemporain, le jazz, le hip hop. Retourner à soi, ne pas s’échapper. Les cours de danse puis les plateaux de variétés de Drucker, Foucault, Jacques Martin, des artistes internationaux, les tournées en Europe, en Afrique et aux USA.

Des artistes qu’il a accompagnés sur scène ou dont il a signé les chorégraphies, il retient Joëlle Ursull. « Cela a été un grand moment dans ma vie. »

C’est à une autre forme de danse que s’adonne maintenant Bernard. Avec son associé Bruce Ykanji, lui aussi danseur, il a fondé B&B Agency, une agence artistique de danseurs et d’événementiels « pour accompagner et encadrer les artistes » d’ici et en diaspora.

Nickel chrome à l’international

Chromable est une marque française née dans la tête bien faite d’un talent guadeloupéen Hugo Duport.

On lui concède largement la réussite de son design autour du style streetwear, des finitions futuristes pour un rendu haut de gamme et la matière high-tech de ses pièces. Des vêtements d’avant-garde conçus en Asie et Europe à partir de tissus français et italiens.

Aux dernières nouvelles, il présentait au Parc des Expos quelques pièces lors de la Fashion Week janvier 2020. La jeune marque réinvente le style “space age” en long, en large et en travers et on leur souhaite de s’exporter à l’international. 

Instagram @chromable

De la soul, de l’eau et un album créole 

Soleil Kréyol, c’est David Walters et le retour à la langue maternelle martiniquaise. Ce sont des embruns de magies parsemés en pagaille et des échantillons de musique coréenne, colombienne et africaine.

Soleil Kréyol, c’est un album construit comme un long-métrage. Un synopsis exploratoire où “Mama” joue le rôle de la soul-créole et Nelson devient le personnage afro-caribéen.

Soleil Kréyol, ce sont des collaborations inédites allant de la trompette d’Ibrahim Maalouf sur le titre “Palé” jusqu’au violoncelle de Vincent Ségal. Ce sont des cuivres, des vieux amplis, des guitares basses et des hommages subtiles à Fela.

Soleil Kréyol, c’est la preuve ultime qu’on peut danser sur des peintures de Warhol en saluant Jimi Hendrix depuis le port de Marseille. Et ça, on aime.

La relève du mannequinat

Elle est née sur la terre rouge du plateau des Guyanes, a fait ses premiers pas aux côtés de la première école guyanaise de mannequinat Ikonz Agency, et vient de signer dans la plus ancienne des agences de mannequins françaises, City Model.

Talent émergent, Nadicha, du haut de sa vingtaine a été repérée comme toutes les autres muses : son tempérament de feu, sa figure androgyne et sa personnalité visible au premier coup d’œil.

Une poésie corsée

On se souviendra d’une voix alerte et de plusieurs mains liées dans une espace confiné de la capitale. Quelques zestes de citron, du lemon, oui du lemon, et des lampes tamisées en fin de journée.

On se souviendra d’un conte créole moderne, d’un monde poèmes raconté avec pudeur; d’une main sur un ka, celle d’Ardwel Courta et l’autre qui mixe avec précision, celle de Jeebrahil.

Et puis sans rien imposer au public, ce seront les cris du cœur, un pick-up bleu saphir et la réalisatrice Blxckdread qui joue avec les nuances de bronze.

La nuit tombe. Le froid arrive. C’est entre les mots de Wendie Zahibo que le recueil s’articule. Des lacets de cuir s’enroulent, nous enlacent et nous retiennent. Le Corsé fait déjà des émules.

Wendie Zahibo, Corsé de cuir, Les éditions Neg Mawon

Instagram @wendiezahibo