Les fresques murales d’Al Pacman embellissent le paysage urbain en même temps qu’elles contribuent « au mieux-être et au vivre ensemble ».
Texte Willy Gassion Photo Cédrick-Isham Calvados

Un artiste graffeur est partout chez lui. L’espace urbain comme les feuilles blanches de l’écrivain. A Lauricisque (quartier de Pointe-à-Pitre), Al Pacman choisit ce qui semble être un cabanon de pêcheur pour s’abriter du soleil et du ciel qui menace.
Ses œuvres sont partout et nous entourent. « Là, à côté à Bergevin » ou encore « juste derrière » … les fresques monumentales de Pacman à portée de mains font du quartier un musée à ciel ouvert.
Le dessin, mon refuge
Son nom d’emprunt dit sa vision de la vie. Pacman ! Son nom d’emprunt dit peut-être aussi ce par quoi il est passé. Une enfance malmenée.
« Pacman fait référence à un jeu vidéo, pour sortir vainqueur de ce jeu il faut affronter un labyrinthe. Je suis né en Dominique, j’ai eu une enfance difficile baignée dans les services sociaux, j’ai été placé en famille d’accueil à Marie Galante jusqu’à mes quinze ans puis aux Abymes et à Pointe-à-Pitre, la Guadeloupe est mon île d’adoption. »
C’est dans le dessin qu’il trouve l’apaisement. Le dessin qui s’offre à lui, le dessin salvateur : « je ne l’ai pas choisi, je n’ai pas décidé d’être graffeur, c’est, je crois, un don de Dieu. Le dessin c’était mon refuge, mon ami, j’étais très timide, le dessin m’équilibrait, me calibrait. »
Un stylo, des crayons, des feuilles blanches, mais aussi « les murs et la porte de ma chambre », sa main qui ne s’arrête plus, sa main qui crée jusqu’à l’obsession, le destin d’Al qui est en marche…

Le grand saut
Sortir de l’ornière, sortir du labyrinthe, les routes sinueuses, les impasses, les dédales… Nous sommes en 1990, Pacman qui ne s’appelle pas encore Pacman découvre médusé d’admiration le graffiti dans la rue.
« Je ne connaissais pas ce moyen d’expression, ça m’a tout de suite intéressé, peindre sur des murs qui ne m’appartiennent pas, braver l’interdit c’était excitant. »
Le grand saut ! L’achat ô combien symbolique du premier feutre en 1991 et son nom qu’il tague sur les murs. Sa nouvelle identité, l’empreinte de son passage.
« J’ai intégré cette année-là Artiste En Mouvement par le biais des membres fondateurs dont Warner, le graffeur leader du groupe, j’ai appris le travail collectif, j’ai commencé par le lettrage puis je suis passé au figuratif et au décor de fond. »

L’art participe au mieux-être
L’art de Pacman doit faire sens, il ne peut pas être que beau, l’artiste s’y refuse. Il charge ses œuvres d’une responsabilité, celle d’améliorer le cadre de vie dans l’habitat collectif social. Un habitat qu’il connait bien pour y avoir lui-même résidé.
« J’ai des grafs aujourd’hui pâlis sur les murs de la résidence où j’habitais. » L’art qui doit participer au « mieux-être, au vivre ensemble et redonner une autre image à ces cités » .
Le street art est une des solutions trouvées par les bailleurs sociaux pour pallier les dégradations des bâtiments.
« La SIG intègre le street art dans la conception de ses bâtiments, quand il s’agit de bâtiments à réhabiliter, j’interroge les habitants sur leurs habitudes, sur leur environnement, ils me parlent de leur quartier, des gens qui ont disparu, et je redonne vie à tout ça, il y a des gens qui pleurent quand je dessine un visage qui leur est familier ».
« Je travaille en collaboration avec les jeunes pour qu’ils s’imprègnent du lieu et apprennent à en prendre soin. La thématique que je développe est toujours culturelle et patrimoniale. »
Ici et là (Pologne, Allemagne, Suisse, Italie, la Caraïbe), le nom et les œuvres de Pacman ornent les murs des espaces publics mais l’essentiel pour lui est ailleurs.
« Ce qui est primordial c’est ce que mes dessins apportent aux gens, c’est d’arriver à les toucher. L’important ce n’est pas d’être grand, c’est d’être à la hauteur. »
Ce reportage vous est offert par la SIG
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