Ti Kozé - jeu de société guadeloupéen

Ti Kozé, le jeu du créole

« Osez le Kréyol ». Le découvrir ou se le réapproprier à travers des moments riches en rires et partages. Voici l’âme de Ti Kozé, le jeu de société guadeloupéen inédit qui sortira fin octobre 2021. Rencontre avec Keyte et Kassandre Nabajoth, créatrices du jeu. – Texte Joséphine Notte, Photo Lou Denim

Il suffit d’une seconde pour percevoir l’alchimie qui règne entre Keyte Nabajoth et sa fille Kassandre. Leurs regards sont complices, leurs rires communicatifs, chacune complète les phrases de l’autre comme si elles étaient liées par la pensée.

Posée sur la table entre la mère et la fille, il y a une petite boîte carrée aux couleurs vives qu’elles brandissent à tour de rôle avec enthousiasme pour illustrer leurs propos. C’est Ti Kozé : le jeu de société qu’elles ont créé de toutes pièces, et qui propose une immersion ludique dans l’univers du créole antillais. Un jeu hilarant et accessible à tous : petits ou grands, créolophones ou non. 

Un confinement créatif

Si la pandémie et le confinement ont détruit le moral de certains, d’autres ont su en faire des sources d’inspiration et de créativité. C’est le cas de la famille Nabajoth. Férue de jeux et d’activités variées mais surtout anti-écran, cette famille de quatre a mis à l’épreuve son imagination pour transformer ces longues journées à la maison en moments ludiques et conviviaux. Mais voilà que les semaines passent, la longue liste des activités s’épuise et les enfants tournent en rond. « Vous n’avez qu’à inventer un jeu », lance Keyte à ses deux enfants. Kassandre, 17 ans, est passionnée de langues, elle a développé un grand intérêt pour les cours de créole qu’elle suit au lycée. La jeune fille prend sa mère au mot : c’est la naissance de Ti Kozé.  

« Le jeu challenge les joueurs sur tout ce qui compose la Guadeloupe. »

Une aventure entrepreneuriale en famille

Les versions s’enchaînent et évoluent. Les règles se définissent : deux équipes s’affrontent à tour de gages et de défis dans un temps limité. « Le jeu challenge les joueurs sur tout ce qui compose la Guadeloupe », raconte Keyte, « des personnalités locales aux proverbes et chansons jusqu’aux produits et savoir-faire de chez nous ».

Le dictionnaire du créole devient la bible de toute la famille. Ti Kozé, à l’origine destiné à animer leurs soirées en famille, devient l’attraction de leur entourage : « Des fois, on ne sait plus si c’est nous ou le jeu qu’on invite à dîner ! » s’amuse Kassandre. L’engouement grandit, famille et amis se joignent au brainstorming et encouragent les Nabajoth à éditer le jeu. L’aventure entrepreneuriale en famille commence.  

« Le créole est aussi à l’image de notre façon de penser en tant que guadeloupéen, notre vision de la vie. »

Une langue à multiples facettes

Keyte et Kassandre confient leur perception du créole avant Ti Kozé : « Le créole est une langue à multiples facettes, relativement jeune, c’est une langue en constante évolution ; fortement identitaire, elle traduit la multiculturalité de nos sociétés caribéennes. On y trouve des influences européennes, africaines, indiennes et j’en passe ! » s’exclame Keyte, « le créole est aussi à l’image de notre façon de penser en tant que guadeloupéen, notre vision de la vie ».

Kassandre complète : « cCest aussi une langue bridée par les a priori avant de suivre des cours, le créole était dans ma conception, assimilé à la violence, on l’utilisait pour insulter ou être agressif ». Keyte ajoute : « Pour ma part, dans mon enfance c’était une langue que l’on ne devait pas parler à la maison. C’était surtout une langue qui ne s’apprenait pas, on est antillais, donc on sait forcément parler créole ! »

« Construire Ti Kozé, aller chercher les fondements de notre langue, de notre culture nous a permis de redécouvrir ce que c’est d’être guadeloupéen. C’est une sensation si belle ! »

Le phénomène de la Soufrière

Au gré de la construction du jeu, Keyte et Kassandre s’informent, se questionnent et font évoluer leur compréhension originelle de la langue. « Le parcours de création de Ti Kozé nous a permis de rompre avec tous les clichés que l’on avait sur le créole » témoigne Keyte.

Elle évoque ce qu’elle appelle « le phénomène de la Soufrière » : « Dans notre vie quotidienne, on sort peu des sentiers battus, on se concentre sur nos habitudes et quand il faut s’évader ou faire des découvertes, on s’envole à l’étranger. Souvent, confrontés à des touristes, on se rend compte qu’ils ont découvert plus de choses sur notre île que nous les locaux. C’est ce que j’appelle le “phénomène de la Soufrière” ! En jouant à Ti Kozé avec des amis natifs et non natifs de la Guadeloupe, je me suis rendue compte que ce phénomène va plus loin que la question de découvrir des lieux ou des activités. Construire Ti Kozé, aller chercher les fondements de notre langue, de notre culture nous a permis de redécouvrir ce que c’est d’être guadeloupéen. C’est une sensation si belle ! On s’émerveille de notre propre culture. On a essayé de distiller cet esprit dans le jeu : Ti Kozé parle de nous et nous parle à nous les guadeloupéens. »

A lire aussi

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.