Grégory Privat, la scène, sa vie d’artiste, celle qu’il a toujours voulu mener. – Texte Willy Gassion, Photo Cédrick-Isham Calvados
Il y a là quelque chose qui en dit long sur ce que peut être la vie d’un musicien. Ses pérégrinations. Echanger avec Grégory Privat, depuis la Guadeloupe, alors que celui-ci se trouve en Pologne pour sa tournée. L’avant-veille, le pianiste était à Vilnius en Lituanie. Avec son Trio (Tilo Bertholo à la batterie et Chris Jennings à la contrebasse), l’artiste martiniquais mène la vie qu’il a toujours voulu mener. « Être un artiste, c’est prendre en main sa vie et pas mener la vie de quelqu’un d’autre. »
« Être un artiste, c’est prendre en main sa vie et pas mener la vie de quelqu’un d’autre. »
« Quelque chose de physique »
De le savoir à Sopot, « une ville dans le nord de la Pologne », semble plus nous impressionner que lui. « J’habite à Paris depuis 2007, je suis un peu habitué à la vie en Europe. » Le lieu où il se trouve serait presque anecdotique, l’essentiel est ailleurs : dans la réceptivité du public, dans le dialogue à instaurer entre lui et son auditoire. « En général, ça se passe plutôt bien, ça dépend de l’énergie qu’il y a dans la salle, mais aux Antilles, chez moi en Martinique, il y a une autre émotion. »
Grégory Privat a reçu la musique en héritage et avec elle, le piano. Comment pouvait-il en être autrement avec un père musicien – José Privat, le pianiste du célèbre groupe martiniquais Malavoi ? « J’aurais pu y échapper, mon frère n’est pas du tout pianiste même s’il est mélomane. »
Le piano dès l’enfance, à Fort-de-France, du classique, et le plaisir très vite. Des cours pendant dix ans. « Il y a eu quelque chose de physique. Très jeune, j’ai développé une manière d’approcher le piano au niveau du toucher ; la musique, c’est comme un jeu, il y a des règles et quelque chose d’esthétique, j’avais des facilités, ça a été un coup de cœur. »
« J’ai commencé à improviser et c’est là que c’est devenu plus qu’un loisir, j’ai su à cet âge que le piano allait compter dans ma vie. »
« Suivre son chemin »
Ses doigts appliqués, ses doigts qui courent jusqu’à improviser, les doigts d’un pianiste. Grégory n’a que 14 ans. « J’ai commencé à improviser et c’est là que c’est devenu plus qu’un loisir, j’ai su à cet âge que le piano allait compter dans ma vie. »
Le prodige est aussi bon élève (Bac S mention bien, une prépa), des études d’ingénieur, parce qu’il aime ça et aussi « pour faire plaisir aux parents ». Puis le choix, « le choix solitaire » : continuer à faire l’ingénieur ou s’adonner corps et âme au seul piano. « J’avais 28 ans, j’étais encore jeune, c’était un pari sur l’avenir, ça a été une des plus grandes décisions de ma vie. C’est ce que je raconte dans Las, une chanson qui fait référence au réveil, à son réveil dans la vie, décider de ce qu’on veut faire et suivre son chemin. »
À 37 ans (il les a eus au mois de décembre), l’artiste a déjà publié cinq albums. Sa musique est jazz « parce qu’il y a beaucoup d’improvisation » même s’il reste « ouvert » dans ses choix d’orchestration. « J’aime la musique dans sa globalité, il y a la musique traditionnelle des Antilles, des influences contemporaines comme le zouk et le dance hall dans mes compositions. »
« Pendant le confinement, j’ai pratiqué la musique pour ce qu’elle est, la musique à ce moment-là n’avait besoin que de la musique. »
Quand il n’est pas sur scène, quand il est privé de public comme lors du confinement, la musique est encore là. Chevillée à son corps. « Pendant le confinement, j’ai pratiqué la musique pour ce qu’elle est, j’étais d’autant plus un artiste à cette période, la musique à ce moment-là n’avait besoin que de la musique, mon art ne s’est pas amoindri. » Yonn, son nouvel album paraît en janvier 2022.
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