Après le succès de Tonbé Lévé, Arnaud Dolmen publie Adjusting, son nouvel « album jazz aux racines caribéennes » dans lequel il est question d’altérité et d’adaptation. – Texte Willy Gassion, Photo Cédrick-Isham Calvados
Il ne sait plus. Il a oublié, Arnaud Dolmen a un trou. Il ne sait plus où il se trouve, dans quelle ville il vient de jouer. Il est tard, plus de 23 heures, l’artiste n’est pas encore arrivé à son hôtel et à la tête encore sur scène. « Je voyage beaucoup, ce qui m’intéresse quand je suis en tournée, c’est de savoir l’heure à laquelle je pars de Paris et de quelle gare. J’accompagnais David Linx, un chanteur de jazz emblématique, j’ai participé à l’enregistrement de son dernier album, la musique que nous faisons demande beaucoup de concentration et d’exigence. » Adjusting le prochain album du batteur guadeloupéen paraît le 28 janvier 2022.
Fasciné par le tambour
Ce soir-là, Arnaud Dolmen était à Villeneuve-sur-Lot « à côté d’Agen, en Nouvelle Aquitaine » mais, c’est à Tarbes, toujours dans le sud-ouest, qu’il voit le jour il y a 36 ans. Et c’est encore à Tarbes qu’il s’initie, enfant, à la musique. « J’ai commencé la musique très tôt, j’étais attiré par les percussions, mes parents m’ont inscrit dans une école de musique. »
« Quand je voyais un tambour, que j’assistais à des léwoz, j’étais fasciné, Sergius Geoffroy, Esnard Boisdur ou Guy Konkèt me prennent aux tripes, je peux pleurer quand je les écoute. »
À son arrivée en Guadeloupe, à Sainte-Anne, dans le nannan de la culture traditionnelle, c’est son oncle Christian Baptiste, l’actuel maire de la ville qui lui offre son premier tambour. « Quand je voyais un tambour, que j’assistais à des léwoz, j’étais fasciné, Sergius Geoffroy, Esnard Boisdur ou Guy Konkèt me prennent aux tripes, je peux pleurer quand je les écoute. » C’est sous la direction de Georges Troupé que le jeune Arnaud fait l’apprentissage de la batterie. « Je faisais partie de Kimbòl, un orchestre de jeunes autour du gwoka, on était vraiment comme une famille. »
« Musicien incontournable »
Après avoir étudié la batterie à l’école Dante Agostini à Toulouse, le musicien étrenne la scène en professionnel aux côtés de pointures caribéennes comme Soft, Mario Canonge, Jacques Schwarz-Bart, Jonathan Jurion mais aussi Bojan Z, Olivier Ker Ourio, Alfredo Rodriguez… Tonbé Lévé, son premier album sort en 2017 et déjà le consacre comme une valeur sûre : « Révélation de l’année » par le Jazz Magazine, « Artiste à suivre » par le Jazzwise Magazine. Laurent de Wilde ira même jusqu’à dire « qu’il va falloir compter avec ce musicien désormais incontournable ».
« C’est le premier album hommage à d’où je viens, j’ai voulu dire qu’il faut s’adapter et être à l’écoute. Si on arrive à s’écouter, on peut faire un pas vers l’Autre. »
Arnaud Dolmen est tourné vers Adjusting son nouvel album à paraître. « C’est le premier album hommage à d’où je viens, j’ai voulu dire qu’il faut s’adapter et être à l’écoute, on a dû s’adapter à la crise sanitaire, moi en tant que guadeloupéen vivant à Paris, je dois aussi m’adapter et m’ajuster. Si on arrive à s’écouter, on peut faire un pas vers l’Autre. » L’altérité précisément, c’est avec Naïssam Jalal, flûtiste franco-syrienne, et Moonlight Benjamin, « cantatrice vaudou d’Haïti », les artistes invitées sur Adjusting.
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