Le Paris Noir

Se promener en : Le Paris Noir

Kevi Donat s’est fait un nom, presque malgré lui, au détour des balades qu’il organise dans le Paris Noir. Cette dénomination des Black Paris Walks, n’est ni un attrape-touriste, ni une balade itinérante fortuite. Mais plus, une histoire non dite qui le rattrape et qui le guide. – Texte Coralie Custos-Quatreville, Photos Cédrick Isham

Fin novembre 2021, il brume devant le Panthéon. Pourtant, nous sommes une vingtaine à feindre la foule, la pluie, les premières fraicheurs de l’hiver pour découvrir les grandes figures noires qui ont vécu, travaillé, qui se sont échinées à faire entendre un monde, des voix, en direct de la capitale.  

Kevi Donat, organisateur des balades Le Paris Noir

« Le premier noir à être entré au Panthéon est le grand Alexandre Dumas » 

Alexandre Dumas est né en 1802. Il est l’enfant d’un père général mulâtre, Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie, dit Dumas, premier général d’origine afro-antillaise de l’armée française et d’une mère aubergiste.

Orphelin de père dès l’âge de 4 ans, il s’initie très vite à la poésie, puis part s’installer à Paris dès l’âge de vingt ans. Il fréquente assidument les théâtres parisiens et se fait un nom grâce à sa plume. Se forgeant une solide culture au fil des ans, l’écrivain prolifique acquiert gloire en captant l’attention des lecteurs autour d’intrigues fallacieuses et croquis de personnages hauts en couleurs.

On lui doit aujourd’hui l’œuvre célèbre des Trois Mousquetaires, en 1844 ou le Comte de Monte-Cristo en 1846. Le 30 novembre 2002, ses cendres sont transférées au Panthéon et rejoignent celles de Voltaire, Rousseau, Hugo et Zola. 

« N’évoquons plus jamais la négritude sans évoquer les sœurs Nardal » 

Elles ont su réunir tout ce qui comptait parmi l’intelligentsia noire de leur époque, à Paris, dans leur salon. Alain Locke, Augusta Savage, Mercer Cook, Countee Cullen, Hale Woodruff, Jean Price Mars, Félix Eboué, René Maran, Claude McKay, Gilbert Gratiant, Clara W. Shepard et bien d’autres, se sont rassemblés des heures durant dans leur canapé de la rue Clamart.

Pourtant, l’histoire de la négritude a invisibilisé leur rôles laissant la lumière sur Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas. Qui étaient Jane et Paulette Nardal ? Deux femmes, deux sœurs, nées en Martinique, ayant vécu au 83 de la rue Schœlcher. Éminemment brillantes, dénicheuses et défricheuses, elles ont su catalyser les interrogations de leur époque. 

« On est ici dans le 6e où Richard Wright a écrit une partie de l’histoire des Noirs »

En 1950, il est le romancier noir le plus connu des États-Unis grâce à son best-seller « Native Son » publié en 1940. Fervemment opposé à la ségrégation raciale dans son pays, il n’a cessé de dénoncer en actes militants antiracistes et œuvres fictives, les humiliations imposées à des millions de personnes en raison de la couleur de leur peau.

Fuyant les poursuites du gouvernement fédéral américain contre les communistes au moment du maccarthysme, il se réfugie à Paris en 1946 avec sa femme et sa fille, rue Monsieur Le Prince dans le 6e arrondissement. La France est selon lui « le seul pays où il pourra continuer à exprimer ses idées librement ». 

« Là-bas, au 26, rue Saint-Benoit vécut le grand James Baldwin » 

Figure iconique de la littérature américaine des années 1970, James Baldwin est le porte-parole de la culture noire et de la pensée politique à Paris. Le documentaire Meeting the man : James Baldwin in Paris met d’ailleurs en perspective ce romancier, penseur et essayiste dans des lieux symboliques de la ville.

Depuis la Place de la Bastille jusqu’au 26, rue Saint-Benoit où il habite, James Baldwin s’insurge contre l’être opprimé. La Chambre de Giovanni défendra également les premières amours homosexuelles à une époque où le mot “gay” n’est pas audible.

« Au Sénat, il n’y a pas de figure comparable à celle de Gaston Monnerville » 

Gaston Monnerville est sans doute la grande figure politique incontestable de la quatrième République en France. Président du Sénat pendant près de vingt-et-un an, de 1947 à 1968, il comptabilise la plus grande longévité à ce titre.

Né à Cayenne en 1897 de parents originaires de Case-Pilote en Martinique, il est reçu avocat au barreau de Toulouse en 1918, puis à Paris, en 1921. Nommé sous-secrétaire d’État aux Colonies, il s’engage dans la Résistance à partir de 1939, puis est chargé de préparer la départementalisation des quatre vieilles colonies : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion dès la Libération.

En 1946, Monnerville est élu représentant de la Guyane au Conseil national de la République. Il en devient le président l’année suivante, une première étape de franchie pour un Antillo-Guyanais. 

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