Visite des Rencontres Photographiques de Guyane 2021

Depuis dix ans, les Rencontres Photographiques de Guyane détourent les paysages et les gens pour capturer le temps et l’élégance des visages. Depuis dix ans, l’association la Tête dans les images s’évertue à faire vivre la photographie, à l’enseigner, à la faire rayonner auprès des publics conquis, mais aussi auprès des plus exclus, souvent par la géographie. – Texte Coralie Custos-Quatreville, Photo principale Arguiñe Escandón, Yann Gross

L’édition 2021, la septième, incertaine jusqu’à la veille de l’ouverture, a pu avoir lieu, non sans embûche, non sans encombre, mais avec la conviction toujours renouvelée, année après année, et biennale après biennale, de la nécessaire justesse de son propos.

Karl Joseph, directeur artistique de l’événement et directeur de l’association, est revenu avec nous sur l’étendue du programme et l’originalité des travaux présentés cette année encore. Panorama fiévreux, sur le qui-vivre, d’un entre-deux vagues.

Karl Joseph : Cette année, il a fallu garder le cap jusqu’au bout. La période n’était évidemment pas facile. Les Rencontres Photographiques de Guyane sont, comme son nom l’indique, avant tout des rencontres. Le public se mêle aux professionnels, les amateurs échangent avec les connaisseurs, les apprentis posent des questions, les plus petits interrogent, touchent, parlent, s’émerveillent.

Avec la covid, nous avons adapté notre programmation, les résidences, les ateliers et les visites guidées pour que le festival ait lieu dans les meilleures conditions possibles malgré la conjoncture. Il a fallu mettre des mesures de distanciation en place, consolider le protocole sanitaire pour nous permettre de garder un calendrier ambitieux.

« Il y avait nécessité à produire nos propres images pour mieux communiquer entre nous. Confronter nos images, c’est confronter nos relations à notre territoire. »

Aussi, et parce qu’inclure le plus grand nombre et tous les publics est la raison d’être du projet, nous avons choisi de renouveler ce que nous avions fait lors de l’édition précédente : couvrir le plus largement possible le territoire. Il y a donc quatorze expositions sur six territoires de Guyane, avec 600 kilomètres, entre les différentes expositions. Nous sommes à Cayenne, Rémire-Montjoly, Régina, Saint-Laurent du Maroni et Papaïchton. Comme à notre habitude, nous l’avons organisé autour de trois axes que sont la création originale, la valorisation du patrimoine guyanais et la participation des publics.

La question centrale de toutes nos expositions cette année est « Juste à côté de nous, Amazonie ? ». Vous savez, nous avons fait exprès de garder cette question ouverte, absolument innocente, voire naïve. Notre but était d’interroger notre rapport au mot « Amazonie », notre lien à nos terres, à nos racines, à nos imaginaires. Tous les photographes ont posé la question des représentations symboliques de ce lieu. Ils se sont essayés à capturer sa fragilité, sa puissance, sa naissance et sa destruction devant nos yeux. L’écologie, la crise de la sensibilité, la crise des consciences est au cœur de ce projet. Ce que nous cherchons à mettre en évidence est notre participation et notre indifférence de fait.

La photographie aide à dialoguer. D’ailleurs, c’est tout le propos de notre biennale. Il y avait nécessité à produire nos propres images pour mieux communiquer entre nous. Confronter nos images, c’est confronter nos relations à notre territoire. C’est le voir renaître et le protéger, dès à présent.

www.rencontresphotographiquesdeguyane.com
www.latetedanslesimages.fr
@RencontresPhotographiquesDeGuyane

Aperçu des Rencontres Photographiques de Guyane 2021

Anaïs C. - Rencontres Photographiques de Guyane

Dans une démarche hybride, entre documentaire et composition plasticienne, Anaïs C. nous embarque pour Régina, sur la route de l’Est, en Guyane. Aussitôt, l’appel puissant de la nature résonne. La forêt est là, comme une mère bienfaitrice, généreuse et riche de transmissions.

Avec des clichés sensibles, la photographe nous plonge dans l’itinéraire qui a été le sien pendant cette résidence, en portant son regard sur l’Amazonie avant de le poser sur la détermination et la mélancolie de celles et ceux qui ont croisé son chemin.

Anaïs C. s’attache aussi à saisir les savoir-faire précieux, trop souvent négligés, qu’enseigne la proximité de la forêt et de ses veines liquides, les fleuves.

Anaïs C. (Guadeloupe – France)

Écomusée Municipal d’Approuague-KawRue Gaston Monnerville, Le Bourg, Regina


Aucun photographe ou chercheur n’avait encore abordé le sujet. Mais voici que Quentin Chantrel, lui-même enfant de l’Approuague, nous invite à remonter le fleuve et les jours avec des photos de famille. En rassemblant ces clichés tirés d’albums familiaux privés dans un même espace, Quentin Chantrel attire l’attention sur ce minuscule phénomène migratoire, mu par un désir de changement de vie radical.

Étonnant cas de figure que celui des « blancs de l’Approuague », dans le jeu des catégorisations post-coloniales… Que fuyaient ces familles ? Qu’espéraient-elles ? Qu’ont-elles trouvé ? Les réponses restent à chercher (texte Thomas Mouzard, anthropologue)

Quentin Chantrel (Guyane – France)

32BIS32 rue du Lieutenant Becker, 97300 Cayenne, Guyane


Arguiñe Escandón

Afin de s’émanciper du poids des représentations passées, les auteurs engagent alors un travail sensoriel en participant à des cérémonies et en effectuant des diètes de plantes médicinales. Dans cette quête impossible à vouloir représenter le mystère de l’Amazonie et de ses habitants (humains et non-humains), leurs images reflètent un état intérieur lié à leur propre vécu.

Arguiñe Escandón (Espagne) Yann Gross (Suisse)

CIAP5 Avenue du Colonel Chandon, Camp de la Transportation, Saint-Laurent du Maroni


Nous voici dans le sud de la Guyane, en bordure du fleuve Maroni-Lawa. Un puu baaka se prépare. C’est une levée de deuil, qui le clôture l’année qui suit le décès. L’âme du défunt (akaa) est passée dans un autre monde. Et la simple évocation de ce rite funéraire met le peuple Aluku en émoi, d’autant que le puu baaka que l’on s’apprête à célébrer est celui d’un grand homme. Il s’agit du gaanman Paul Doudou, qui a quitté cette terre en 2014.

David Damoison (Martinique – France)

Mairie de Papaïchton, Papaïchton


Collectif FotoAtiva -

Avec cette exposition, FotoAtiva partage avec nous ce qu’ils désignent comme une « expérience photosensible ». Pour ce faire, le collectif a sélectionné des images et les a classé en cinq catégories différentes, de façon à représenter les divers modes de coexistence observés entre les humains et les plantes en Amazonie brésilienne.

Collectif FotoAtiva (Brésil)

© Collectif FotoAtiva – Paula Sampaio, Jardin Botanique de Cayenne


Jean-Marc Aspe - Rencontres Photographiques de Guyane

Le Puu Baaka de Gran Man Paul Doudou est la levée de deuil du chef spirituel des Alukus. Son peuple est installé sur les rives du fleuve Maroni en forêt amazonienne au sein de la Guyane française. Chez eux, un décès est marqué par plusieurs événements cultuels et culturels, qui se terminent par un Puu Baaka. Cette cérémonie ancestrale constitue un élément unificateur pour tous.

© Jean-Marc Aspe – Puu Baaka

Fort Diamant, Route des plages, Remire-Montjoly

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