Alain Kiavué, créateur de matelas en Guadeloupe

En mémoire des matelas fabriqués à l’ancienne en Guadeloupe

Alain Kiavué est la mémoire d’un artisanat qui s’étiole. Il a hérité de sa mère l’art de fabriquer des matelas à l’ancienne. Texte et photo Cédrick-Isham 

C’est un héritage de famille

« Ma grand-mère a fait des matelas, ma mère aussi était matelassière et c’est avec elle que j’ai appris. » Dès l’âge de huit ans, Alain se prend de passion pour l’activité de sa mère. « Je l’ai accompagnée pendant plusieurs années jusqu’à ce qu’elle arrête de faire des matelas. J’ai commencé par lui couper les œillets. Ce sont les petits bouts de tissus qui servent à faire les points au milieu du matelas. Ensuite, elle m’a appris à coudre avec une machine Alpha, des machines à pédale, et un peu plus tard, elle m’a enseigné l’art de piquer les matelas pour mettre les œillets et enfin les anglaises qui sont les bords des matelas. »

Puisque, dit-on : tout travail mérite salaire, la mère d’Alain n’hésitait pas à le payer pour récompenser son assistance précieuse. « Dans les années 1950-1960, la Guadeloupe était très pauvre donc quand on avait l’occasion de gagner cinq francs, c’était beaucoup. Voir ma mère remettre à neuf des matelas usagés c’était pour moi quelque chose de formidable. »

Alain Kuavé, créateur de matelas en Guadeloupe

« Dans les années 1950-1960, la Guadeloupe était très pauvre. Voir ma mère remettre à neuf des matelas usagés, c’était pour moi quelque chose de formidable. »

Son corps entier 

Il n’y avait pas que les mains de sa mère, mais aussi ses genoux. Son corps entier, ou presque, dédié à la confection des matelas. « Ma mère se déplaçait chez l’habitant pour fabriquer les matelas, elle s’asseyait sur le sol, le matelas posé sur ses genoux. Quand j’ai pris sa relève, j’ai acheté un établi sur lequel je travaille encore. »

Malgré son attachement à l’héritage familial, Alain n’a eu de cesse de réfléchir à la meilleure façon d’optimiser le geste d’une part, et à rentabiliser la matière d’autre part. « Dans le temps, il y avait des tissus spéciaux pour faire les matelas, c’étaient des coutis, des tissus bariolés, très connus, qui étaient spécialement fabriqués pour ça et que l’on peut encore retrouver un peu partout dans le monde. Je travaille moins avec les coutis, pour des raisons esthétiques et logistiques, je leur préfère les tissus d’ameublement, plus variés. » Il faut généralement quatre heures pour reconfectionner des matelas dont les épaisseurs oscillent entre 18 centimètres et 22 centimètres et dont les dimensions varient également.

Matelas confectionné par Alain Kiavé, artisan guadeloupéen

« Le métier disparaît, les générations actuelles n’ont pas la mémoire du confort que peut offrir ce type de matelas. » 

Dinosaure 

Alain fait figure de dinosaure dans une profession où ils ne sont plus très nombreux. « Nous sommes peut-être trois, le métier disparaît, les générations actuelles n’ont pas la mémoire du confort que peut offrir ce type de matelas, ce qui n’est pas le cas de nos aînés. Je crois que beaucoup de jeunes ne savent même pas que cet artisanat-là existe encore. »  Quand il évoque le futur de la profession, il fait une moue. « Comme tous les métiers anciens, je pense qu’il y a des grandes chances de voir cette activité disparaître. Même mes enfants n’ont guère été intéressés par le métier (rires) ! »

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