Kevin O'Brian, styliste martiniquais

Kevin O’Brian n’en fait qu’à sa tête

« Rigoureux et indiscipliné », KOB ne s’interdit rien dans ses créations. Texte Willy Gassion – Photo Lou Denim 

Ses vêtements sont des arcs-en-ciel accrochés aux portants, ils sont entourés de murs blancs. Seul le vêtement doit exister, seul lui doit se voir. Ce jour-là, KOB était vêtu d’un tee-shirt noir comme si lui aussi devait disparaitre devant ses propres créations. « J’aime les couleurs, je suis définitivement un enfant du soleil, la Caraïbe, c’est la générosité des matières, le confort. Je ne travaille pas de manière académique, j’aime l’imprévisible, je suis l’élève le plus indiscipliné qui soit, je prends des risques et je vais jusqu’au bout de mes pulsions tout en étant extrêmement rigoureux. » 

« J’aime les couleurs, je suis définitivement un enfant du soleil, la Caraïbe, c’est la générosité des matières, le confort. »

La générosité des matières 

De quelle enfance faut-il sortir pour devenir Kevin O’Brian ? Quels joie et chagrin, quel rêve permettent de fabriquer un destin ? C’est à Saint-Joseph en Martinique entre les interdits dictés par sa mère et le « cocon d’amour » qu’est sa grand-mère que Kevin a « trouvé un début de réponse ». « J’ai été fils unique pendant 16 ans, j’ai eu une mère très à cheval sur l’éducation et une grand-mère qui était un cocon d’amour. Puisque je n’avais pas le droit de sortir, je passais beaucoup de temps avec ma grand-mère, j’étais toujours très occupé à nourrir des projets, à écrire sur des cahiers par-ci, à lire des romans par-là, c’est ainsi que j’ai construit mon imaginaire. » 

« Puisque je n’avais pas le droit de sortir, j’étais toujours très occupé à nourrir des projets, à écrire sur des cahiers par-ci, à lire des romans par-là, c’est ainsi que j’ai construit mon imaginaire. » 

En lui sommeille un styliste 

Son bac littéraire en poche, l’adolescent s’envole pour l’Hexagone avec un vague projet de fac. « La fac pour faire quoi ? » C’est alors que le destin se met en marche : une rencontre déterminante qui décèle en Kevin ce que lui-même ignore. En lui sommeille un styliste. La célèbre école Esmod, « une vraie révélation pour moi », puis très vite les premières clientes, les contrats, les défilés, jusqu’à avoir sa première boutique à L’Espace des créateurs au Forum des Halles.

« J’ai tout de suite bien gagné ma vie mais je n’ai pas souhaité développer une carrière maison de couture avec des financiers, je me souviens qu’un professeur nous avait dit : on vous forme pour des maisons de couture. Je m’étais levé et avais répliqué : non madame, je ne fais pas cette école pour aller travailler pour d’autres, je savais ce que je disais. Si tout s’est enchaîné naturellement, c’est parce que j’ai toujours été hyper sérieux, exigeant d’abord envers moi, et j’ai su écouter. »

« Je me souviens qu’un professeur nous avait dit : on vous forme pour des maisons de couture. Je m’étais levé et avais répliqué : non madame, je ne fais pas cette école pour aller travailler pour d’autres. »

Interroger le corps 

La mode, oui ! le look, oui ! Mais n’allez pas croire que ce n’est que légèreté et frivolité. Tout cela est plus sérieux qu’il n’y paraît. KOB interroge le corps. Un corps nu ne ment pas. « Quand j’habille une cliente, je règle un problème », et c’est peut-être pour cela que le fashion designer reste discret sur l’identité de ses clientes. On comprend sans qu’il le dise que certaines sont célèbres, d’autres fortunées. « Secret professionnel », à l’instar des prêtres dans leur confessionnal ou des médecins dans leur cabinet. Le tissu garde en lui ce qui se murmure dans la cabine d’essayage. 

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