Laurella Yssap-Rinçon, directrice générale du MACTe

#Lanmèbel, une année sous le signe de la mer au MACTe

La prochaine édition de la Route du Rhum dont l’arrivée se fera au MACTe donne à l’institution l’occasion de se tourner vers la mer et de faire de cet événement sportif, un événement à la fois historique, mémoriel et patrimonial. Texte Willy Gassion – Photo Lou Denim 

Depuis le 27 mai, une exposition permanente de 64 plaques posées sur l’enrochement aux abords du MACTe rappelle notre lien historique à la mer. « Tout projet qui parle des mémoires et des patrimoines de l’esclavage se doit de commencer par cette question de la Traversée Transatlantique », précise Laurella Yssap-Rinçon, directrice générale du MACTe. 

« Le projet scientifique sur lequel j’ai été recrutée s’intitule La mer est histoire en référence au poème de Derek Walcott qui décrit très bien l’impact de cette terrible traversée transatlantique sur la construction des sociétés une fois les africains captifs arrivés. »

À l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le MACTe a interrogé le lien historique des guadeloupéens à la mer, pourquoi ? 

Laurella Yssap-Rinçon : En effet, le projet scientifique que j’ai proposé au Conseil d’administration et sur lequel j’ai été recrutée s’intitule La mer est histoire en référence au poème de Derek Walcott qui décrit très bien l’impact de cette terrible traversée transatlantique sur la construction des sociétés une fois les africains captifs arrivés. Cette traversée est le moment de déshumanisation le plus intense, le moment de plus grande frayeur, de plus grande terreur qu’ont connu ces captifs. C’est un moment où il y a une tentative de couper les captifs de ce qu’ils étaient auparavant.

Tout projet qui parle de cette histoire, de ces mémoires et de ces patrimoines de l’esclavage se doit de commencer par cette question de la traversée transatlantique. La renaissance du MACTe intervient au moment où va se dérouler la 12ème édition de la Route du Rhum, nous avons souhaité sortir cet évènement de ses aspects uniquement sportifs et festifs et lui redonner un sens historique. Quel lien historique peut expliquer que nous donnions le dos à la mer même si on observe que notre rapport à la mer a beaucoup évolué ? En effet, tout en donnant le dos à la mer, on a aussi développé une pratique de voile traditionnelle et puiser dans l’eau nos moyens de subsistance. Il y a là une espèce de va-et vient inscrit dans nos schémas de pensée. C’est le moment pour nous d’explorer ça, et c’est pour cela que l’année 2022 est placée sous le signe du « Lanmè bel, Pousé olaj », et qu’on lance un projet #Lanmèbel.

Le 27 mai 2022, le MACTe a inauguré l’exposition de 64 plaques, en hommage aux captifs africains arrivés sur nos rives à partir du 17ème siècle.

La mémoire s’appuie sur des faits historiques concrets. Ainsi, pour la première étape de ce projet, le MACTe a inauguré à l’occasion de la dernière commémoration de l’abolition de l’esclavage, une exposition de 64 plaques posées sur l’enrochement qui lie le MACTe à la mer, et sur lesquelles sont inscrits la liste des bateaux, les dates de leur arrivée, le nombre de captifs africains que ces bateaux ont transporté, ou d’engagés indiens ou d’engagés japonais. 

« On se projette dans la Route du Rhum sur le long terme, avec des projets pensés dans un esprit durable pour que les guadeloupéens en profitent bien après l’arrivée de la course et entre deux routes du rhum. »

Au-delà des aspects historique et mémoriel, votre projet est aussi patrimonial avec l’appropriation du plan d’eau et des abords du MACTe… 

Le MACTe est une institution située, bordée d’eau, notre réappropriation de l’eau passe par la pratique des activités nautiques pour explorer notre patrimoine maritime et approfondir le lien sport-culture. On ne peut pas tous les quatre ans dépenser des sommes considérables et qu’il n’en reste rien, il faut donc appréhender la Route du Rhum dans une dynamique durable. C’est l’occasion pour le MACTe de travailler sur ses abords, et continuer à faire évoluer le site.

En collaboration avec la ville de Pointe-à-Pitre, nous avons lancé le projet de BODLANMACTe. Il s’agissait d’abord de nettoyer la plage naturelle qui jouxtait le MACTe et qui avait été transformée en un cimetière de vieux bateaux. Nous participons ainsi à l’embellissement du quartier. On veut exploiter ce site exceptionnel dans sa totalité, on se projette dans la Route du Rhum sur le long terme, avec des projets qui ne sont pas conçus que pour accueillir les navigateurs mais pensés dans un esprit durable pour que les guadeloupéens en profitent bien après l’arrivée de la course et entre deux routes du rhum. Ces infrastructures nouvelles doivent leur permettre de vivre le MACTe différemment. C’est cela la dynamique du BODLANMACTe que nous déployons. 

« Parce que le MACTe a une vocation internationale, il doit être aussi le vaisseau qui permet aux artistes de s’exporter à l’international. »

Le MACTe, c’est l’exposition permanente, des expositions temporaires, des rdv culturels récurrents tels que #Lalin ka kléré… et aussi en ce moment une résidence d’artiste avec Ronald Cyrille… 

La vocation du MACTe est d’être un tremplin pour nos artistes. Parce que le MACTe a une vocation internationale, il doit être aussi le vaisseau qui permet aux artistes de s’exporter à l’international, cet accompagnement-là est fondamental. Concrètement, les artistes en résidence bénéficient d’une bourse de résidence et de conditions qui leur permettent de ne plus penser à leur quotidien mais uniquement à leur création.

Les résidences d’artiste ont commencé en juillet 2020 avec Philippe Thomarel dans le cadre du programme « MOFWAZé le MACTe ». L’idée est d’instaurer un dialogue entre l’œuvre de l’artiste en résidence et l’exposition permanente. C’est ce qu’a fait Philippe Thomarel avec « Métissages schizophréniques », une installation qui a voyagé notamment en Suède et au Japon. Le projet a été instrumentalisé, lors de la crise de gouvernance du MACTe, au mépris de l’artiste et de son œuvre.

Ronald Cyrille est en résidence d’artiste au MACTe jusqu’en juillet 2023

En 2021, Ronald Cyrille a commencé une résidence croisée entre le MACTe et le Pérez Art Museum de Miami. Ce projet a avorté, également à cause de la crise de gouvernance de 2021. On se devait donc de le reprendre et de l’achever. Ronald est un artiste prolifique, il a une vitalité impressionnante, nous sommes très heureux de pouvoir l’accompagner pendant un an jusqu’en juillet 2023.

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